Le Programmatique va vite et fait bouger les lignes, au point que même ses acteurs se trouvent parfois dépassés, prenons le cas la semaine dernière de l’annonce de Webedia de récupérer en interne la commercialisation de l’ensemble de ses inventaires publicitaires, ce qui signifie de fait la résiliation de son contrat de régie avec Hi Media.
L’annonce a dû certainement être mal comprise par une bonne partie du marché
étant donné que Webedia a renvoyé en milieu de semaine dernière une nouvelle communication stipulant qu’il ne s’agissait pas de la fin des activités publicitaires d’HiMedia mais juste de ses accords en cours avec Webedia. Le titre de cette 2éme communication est d’ailleurs assez évocateur « Précision concernant la fin de l’accord entre le groupe Webedia et HiMedia » et sa conclusion était de rappeler qu’HiMedia « conserve le pilotage intégral du reste de son offre publicitaire, tant en France qu’à l’international », tant mieux pour eux il s’agit quand même de leur business en propre qu’ils font tourner avec succès depuis une quinzaine d’années 😉
Dans la foulée HiMedia a communiqué également au sujet du recentrage de ses activités sur la Publicité Native et le Drive To Store. Le métier de régie Internet à l’ancienne restera un bon souvenir des années 2000 mais ne devrait pas connaitre la fin de la décennie actuelle au rythme où s’enchainent les mutations du marché.
A votre avis ce n’est qu’une anecdote ou bien cela soulève une question plus délicate ? Un peu des 2 peut-être, on n’a pas fini de se dire que l’actualité du marché est tout de même un peu dur à suivre, pour le marché lui-même et ce même en se limitant à la France. On peut également se demander où va ce même marché et de quel type d’acteur il va accoucher ?
En effet toujours la semaine dernière Webedia (bis répétita) annonçait leur accord avec la Plateforme Programmatique Tradelab pour la commercialisation de sa data en dehors de ses secteurs captifs (Ciné, jeux vidéos, voyage, food…). Mais pour le coup il ne s’agit pas d’un simple accord de régie mais également de prise de participation (minoritaire selon les intéressés) de Webedia dans le capital de Tradelab. Ceci afin de pouvoir suivre en tout transparence la commercialisation de leur data souvent considérée par les éditeurs comme leur mine d’or, leur actif le plus précieux.
Des personnalités du marché ont réagi sur Twitter sur l’appétit de Webedia.
Une question nous taraude pourquoi choisir un revendeur exclusif (hors secteur captif Webedia) pour la Data ? Un annonceur ou une agence souhaitant avoir de la data Webedia (pour une campagne automobile par exemple) devra passer par Tradelab pour réaliser la campagne qu’il souhaite même si ce dernier n’est pas son trading desk. C’est très intéressant commercialement parlant pour Tradelab c’est sûr mais quid du traitement des autres Trading desk par Webedia, en plus de la Data ?
Tradelab aura –t- il des accès privilégiés à l’inventaire Webedia via des privates-deal exclusifs ?
Un éditeur s’assure une neutralité par rapport à ses acheteurs tant qu’il reste dans son rôle de vendeur, mais s’il devient lui aussi acheteur ou possède des intérêts économiques et capitalistiques chez un de ces acheteurs ? Dans le jargon du métier ce type de montage à un nom : Le Publisher Trading Desk… ce n’est pas un encore acronyme mais cela n’empêche pas cette appellation d’être assez indigeste.
Surtout ce type de montage n’est pas sans rappeler une autre spécificité (on va rester sobre) du marché que sont les Trading Desk agence, Affiperf pour Havas, Accuen pour OMD ou encore AOD pour Vivaki. Dans cette situation les agences réalisent les stratégies d’achat programmatique / média d’un côté et délivre une partie de cette stratégie de l’autre via une structure interne au groupe.
Le biais de ce type de montage pour l’annonceur est que l’agence se retrouve juge et partie, donc difficilement impartiale à l’heure des bilans ou pour faire de nouvelles recommandations.
D’une certaine manière Webedia prend également le même chemin en ayant un pied de chaque côté, vendeur et acheteur et se retrouve donc juge et parti, du moins en partie, pour le moment.
Le Publisher Trading Desk serait donc l’équivalent du Trading Desk Agence, pas sûr que ce type de montage aille dans le sens d’une des plus fortes attentes des annonceurs : la transparence des campagnes Programmatiques. Si les éditeurs leaders (grand groupe de presse ou média) prennent le chemin de construire également leur propres Publishers Trading Desk, le marché risque de perdre de vue la promesse initiale de compétition ouverte de l’achat Programmatique.
Et surtout ne s’agit-il pas d’une forme de retour en arrière avec une obligation de passer par une sorte de « régie programmatique » pour qui voudrait acheter de la data et peut-être bientôt du média ?
Alors la régie est morte ou en train de faire sa transformation digitale ?
Le vraie raison de ce deal pour Webedia : la stagnation de ses revenus publicitaires, freinés par la montée en charge des Adblockers. On ne peut pas reprocher à Webedia de commercialiser sa data pour pallier à ce défaut de croissance mais en parallèle il serait utile et nécessaire de s’attaquer au fond du problème et donc à l’expérience utilisateur sur les sites éditeurs, au hasard on peut évoquer le capping des Pre-Roll (une pensée pour AlloCiné) et des formats intrusifs qui bloquent et ralentissent le surf des internautes.
Sinon ce sera la fuite en avant, de plus en plus de publicité bloquées, donc de plus en plus de formats, de tags etc… pour essayer de prendre les Adblockers de vitesse. Le problème sera toujours au détriment de l’internaute et de son expérience utilisateur et ne fera que le motiver à installer un Adblocker sur son navigateur.
Pour conclure le mot de la fin revient aux intéressés ci-dessous via leur interview sur French Web, ce qui est la moindre des choses, notre objectif n’étant pas de la critique gratuite mais de mieux comprendre les évolutions du marché et surtout leurs pertinences et intérêt pour les annonceurs.
Raphaël Glatz
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES DE WEBEDIA :
Suite à la publication de cet article Webedia nous a sollicité pour nous apporter quelques précisions sur la nature de leur partenariat avec Tradelab ainsi que sur les points liés à la transparence, les conséquences pour les autres Trading Desk etc… Nous publions ce droit de réponse afin de laisser le débat se poursuivre et pour informer nos lecteurs au plus juste.
1. Tous les Trading Desk du marché ont toujours accès aux data Webedia
Ce partenariat ne confère pas à Tradelab une exclusivité sur la data Webedia. Chaque trading desk du marché peut obtenir un deal programmatique agrémenté d’une surcouche standard ou custom de data.
L’exclusivité Tradelab, concerne l’utilisation des data à l’extérieur du périmètre digital de Webedia.
Via ce partenariat, nous permettons à l’ensemble des annonceurs de bénéficier de segments verticaux granulaires à l’extérieur de nos supports, tout en utilisant les ressources technologiques et humaines de Tradelab pour délivrer de telles campagnes.
2. La transparence est de rigueur
Webedia Exchange se veut 100% transparent avec les acheteurs programmatiques. Nous donnons un listing complet de tous les sites composant l’ensemble de nos thématiques.
Tradelab applique une politique similaire avec ses clients, donnant accès à un reporting complet concernant le cadre de diffusion et les performances des campagnes.
Ce partenariat ne change donc pas ces positionnements respectifs.
Les annonceurs souhaitant actionner Tradelab afin d’utiliser des data Webedia sur un périmètre plus large bénéficieront sans restriction d’une plateforme technologique de pointe afin de suivre avec fidélité le cadre de diffusion et les performances de leur campagne.