Plus le programmatique se développe, plus il brouille les lignes entre les différents métiers historiques de la publicité, au grand dam des annonceurs, pour lesquels il est déjà difficile de suivre les évolutions, tant elles sont nombreuses et rapides.
Le métier d’agence est clairement concerné par ces évolutions et rentre en concurrence avec des métiers qui étaient par le passé complémentaires, les Trading Desk et les cabinets de conseil pour ne pas les nommer.
Afin de faire le point sur ces changements majeurs et pour mieux comprendre qui fait et fera quoi en 2018, nous sommes allés à la rencontre d’un acteur historique du programmatique français créé en 2009, à savoir Gamned, qui porte l’étiquette de Trading Desk, mais qui occupe en réalité une place plus importante ainsi que des activités diversifiées sur le terrain de jeu du Programmatique.
Anthony Spinasse, COO de Gamned a répondu sans détours à nos questions.
1- QUELLE DÉFINITION DONNER À UN TRADING DESK EN 2018 ?
Un trading desk en 2018 a un besoin impérieux de mixer le conseil et l’achat média programmatique.
L’achat média programmatique seul est un must have, et encore tout le monde ne le fait pas bien. Le conseil doit devenir inhérent à l’achat programmatique afin d’accompagner au mieux les annonceurs sur la connaissance de leurs données (1st Party data) et leur permettre de les exploiter de manière efficace et rentable. Le programmatique est le levier digital qui a le plus de données à exploiter dans le but de comprendre et in fine d’optimiser les campagnes.
Le partage de la connaissance avec les annonceurs est également devenu un pré-requis pour tout Trading Desk qui souhaite s’inscrire dans la durée avec ses clients, on parle alors de transparence qui est fréquemment citée par les annonceurs comme une demande insatisfaite pour leurs campagnes programmatiques.
Le conseil doit devenir inhérent à l’achat programmatique afin d’accompagner au mieux les annonceurs sur la connaissance de leurs données
Néanmoins cette notion ne doit pas se limiter à la transparence des coûts, qui est la demande la plus fréquente, mais aussi et surtout inclure celle des services, qui est clé pour l’annonceur. La transparence des services va permettre aux annonceurs de mieux comprendre les performances de leurs campagnes dans le détail.
La transparence des coûts n’est donc pas une finalité, pour preuve l’affiliation et son modèle économique à la performance est transparent pour l’annonceur en terme de coût par action (click, vente, lead) mais totalement opaque en terme de service rendu, alors même que de fortes marges sont générées par les plateformes.
Le challenge pour un trading desk en 2018 est de trouver le bon mix entre 2 business models : le pourcentage sur l’achat média programmatique et la facturation en « jour-homme ».
- Le % sur l’achat média est plus confortable pour ajuster les ressources en fonction de la charge de travail et de la complexité des campagnes.
- La facturation de jours-hommes sera plus lourde à gérer et ne pourra être justifiée que par un niveau élevé des compétences vendues, assorti d’un transfert de connaissance du prestataire vers l’annonceur.
2- QUELS CONSEILS DONNERAIS-TU À UN ANNONCEUR POUR SÉLECTIONNER SON TRADING DESK ?
De m’appeler tout simplement ! Non plus sérieusement et pour reprendre ce que nous avons évoqué plus haut, un annonceur a besoin d’un partenaire capable de lui délivrer un haut niveau de conseil pour s’assurer qu’il sera bien accompagné dans la durée.
Un Trading Desk doit réunir les qualités et les compétences suivantes :
- Être capable de faire travailler de concert les 3 piliers d’une campagne à savoir le conseil, la création et l’achat média.
- Pouvoir conseiller l’annonceur en amont sur la stratégie à mener pour ses campagnes et surtout sur les enseignements à en tirer via une analyse fine (décomposition du CPA, recommandations sur les messages et sur les produits à promouvoir etc…)
- Être à même d’utiliser les données issues du retargeting pour optimiser les campagnes de targeting.
- Les enseignements issus des campagnes programmatiques doivent « nourrir » le marketing global de la marque (produit, prix etc…)
- Ne pas avoir trop de certitudes sur l’achat programmatique. Éviter de travailler avec des à priori sur les cibles ou sur les méthodologies de campagnes à déployer, mais se concentrer sur l’exploitation de la donnée qui seule pourra procurer des enseignements pertinents.
- Être capable d’exploiter l’ensemble des médias du programmatique : web, mobile, radio, TV…
3- QUELLES TECHNOLOGIES UTILISEZ-VOUS ? LESQUELLES AVEZ-VOUS DÉVELOPPÉS EN INTERNE ?
Concernant les DSP nous utilisons DBM, AppNexus et de plus en plus Amazon .
Même si l’interface de ce dernier est très perfectible, la fraicheur et l’authenticité des données « intentionistes » proposées par Amazon, permettent de générer un très bon niveau de performance. De plus associer les ventes des produits de l’annonceur sur son propre site marchand et sur Amazon permet d’avoir une vision plus exhaustive des ventes réelles de la campagnes et par conséquence une meilleure lecture des performances et de l’engagement généré.
Nous avons développé en interne notre technologie de DCO (bannière publicitaire personnalisée) afin de maitriser le mix créa et média : coupler le bon message à la bonne créa et diffuser le tout sur le bon média !
Notre DCO nous permet de répondre à l’un des écueils majeurs des campagnes programmatiques à ce jour : le message, qui est souvent trop générique et pas toujours adapté au device sur lequel il est diffusé ou encore aux différentes zones géographiques ciblées.
Même si la France est un « petit » pays, il est illusoire de penser que le même message générera des performances homogènes du nord au sud de notre territoire. Et la situation se complique encore pour les campagnes multi-pays.
Notre DCO nous permet de maitriser le mix créa et média : coupler le bon message à la bonne créa et diffuser le tout sur le bon média !
4- QUELS CONSEILS DONNERAIS-TU AUX ANNONCEURS DANS LE CADRE DE GDPR ?
Nous allons organiser un petit déjeuner réservé aux annonceurs sur ce sujet le vendredi 23 Mars prochain, au cours duquel nous aborderons les enjeux des annonceurs face à cette nouvelle règlementation.
Côté Trading Desk, il est certain que l’application de GDPR va entrainer un certain nombre de changements, comme le fait de devoir nommer un DPO, faire évoluer les contrats de nos clients et s’assurer que tous nos partenaires sont compliants avec ce nouveau règlement européen.
Pour les annonceurs, il est important de rappeler que beaucoup d’éléments de GDPR sont déjà prévus par la loi française actuelle. Ce n’est pas le cas pour tous les pays européens, mais la France est plutôt en avance sur ce sujet. La coresponsabilité prestataire / annonceur est une des grandes avancées de la loi, qui va en faveur de ces derniers, car actuellement seuls les annonceurs ont à rendre des comptes à la CNIL dans le cadre de l’utilisation de données personnelles des consommateurs.
Eric Gueilhers