Si on parle beaucoup de DMP depuis bientôt 3 ans c’est qu’il s’agit bien d’un sujet capital pour les annonceurs à l’heure où la Data est reine, mais ce sujet ressemble parfois à un phénomène de mode « à risque » tant l’engouement est marqué alors que la pratique est hautement complexe. Nous avons donc voulu faire le point sur le sujet d’une manière opérationnelle et concrète lors d’une discussion à bâton rompu avec l’un des spécialistes : Stéphane Baron.
Stéphane a fait ses classes parmi les plus grands voyagistes européens tel que TUI, Pierre et Vacances ou encore Voyages Sncf pour décider par la suite de monter son propre cabinet de conseil et voler de ses propres ailes. La mise en place et l’exploitation d’une DMP n’ont plus beaucoup de secrets pour lui, même s’il reste constamment à l’écoute des évolutions des technologies, des pratiques et méthodes du marché en France et ailleurs tant l’industrie du Digital Marketing a un réel pouvoir d’évoluer et presque de muter en permanence.
Peux-tu nous partager des retours d’expérience concrets sur des projets DMP que tu as menés pour des annonceurs ?
Ce sont des projets de longue haleine pour lesquels il est important de s’assurer d’onboarder l’ensemble des équipes impactées et impliquées, car elles sont très nombreuses (Acquisition, CRM, Merchandising, UX, Communication, Marque, BI, DSI…) tout en définissant une gouvernance claire et une équipe resserrée.
En effet de la phase d’appel d’offre (inévitable dans ce type de projet) pour choisir la technologie la plus performante mais également la mieux adaptée à son domaine d’activité (un voyagiste et un opérateur téléphonique n’ont pas du tout les mêmes méthodes pour recruter et qualifier un client), à la phase de Set-Up technique puis le déploiement opérationnel, plusieurs mois vont s’écouler et des moments heureux succéderont à des moments plus difficiles.
Ces projets sont toujours plein de surprises tant ils entrainent une petite révolution dans les habitudes et les méthodologies de travail de l’annonceur. Dans le cadre d’un projet DMP il est primordial d’anticiper sa gouvernance, dans le sens où il faut définir qui va accéder directement à la DMP et la piloter (il n’y aura pas qu’une personne dans l’entreprise mais plusieurs amenées à jouer ce rôle) et qui pourra accéder au traitement des données, aux rapports, qui décidera d’optimiser les use-cases (cas pratique business/marketing) déjà en place et potentiellement de les étendre.
DMP rime souvent acquisition, vente, connaissance client mais pas seulement, toute la personnalisation de l’expérience sur le site de l’annonceur (site centric), des AB Testing de home page ou page produits par exemple, peuvent traités via la DMP et ainsi être historisés et partagés beaucoup plus efficacement en interne. L’intégration des données Off-Line des retailers passeront aussi par la DMP, et il s’agit d’un des outils les plus efficaces pour mettre en place une politique et une stratégie Omnicanal.
Tout repose donc sur la mise en place de Use-cases pertinents pour assurer le succès d’un projet DMP ?
Si la finalité de votre DMP est business (ce qui est majoritairement le cas des projets que nous traitons) oui les Use-cases seront déterminant pour atteindre un ROI significatif, qui quand à lui peut être calculé de multiples façons, il ne s’agit surtout pas de se limiter à des taux de transformation ou à des meilleurs taux de click !
Le fait de digitaliser un client Off-line encarté, de le faire visiter régulièrement votre site web (côté acquisition/medias) et lui pousser sur le site et sur les campagnes PRM/CRM qui lui sont diffusées des messages et des recommandations produits cohérents sont un 1er succès non négligeable qui entraineront des ventes par la suite, peut-être sur votre site ou peut-être en magasin, mais le résultat sera là avec une communication plus ciblée, une meilleure expérience client et un engagement renforcé entre ce dernier et l’annonceur.
Quels sont les pré-requis indispensables pour se doter d’une DMP / vu sous un autre angle quelle(s) brique(s) technologique(s) doivent également être embarquées dans un projet DMP pour se donner toutes les chances de l’exploiter au mieux et de rentabiliser cet investissement ?
Si on prend ce sujet par l’angle du Programmatique, il est capital d’ad-server soi-même ses campagnes Display (display CRM, display branding, prospecting, retargeting…) afin tout simplement de pouvoir contrôler la visibilité des bannières selon ses propres critères et non pas ceux des trading desk. Par exemple là ou les recommandations classiques de visibilité sont d’une seconde pour 50% de la bannière affichée, nous portons ces critères pour nos clients au minimum à 75% de la bannière vue pendant 3 secondes. De cette manière vous n’allez pas attribuer une partie de la vente à une bannière qui est bien placée dans la « customer journey » d’un prospect mais qui n’a pas été vue par ce dernier.
De plus les AB Tests entre leviers ou supports visant à calculer l’incrémental de business généré par ces derniers sont plus ‘propres’ dans le cadre d’une DMP que lorsqu’ils sont réalisés dans un TMS (Tag Management système). En effet la distribution des cookies entre les différents segments d’un « AB Test DMP », va être plus fin car cette distribution sera aléatoire tout en prenant en compte la valeur d’un cookie en fonction de son segment, son score etc… Chaque supports testé aura donc un nombre équivalent de client Gold et de client dormant par exemple. Alors que dans un TMS tout cookie client sera considéré comme égal par ailleurs et ils seront donc tous répartis sans prendre en compte leur segment d’origine (gold, dormant etc..)..
Les campagnes de Newsletter et de trigger marketing doivent aussi être réalisées par un outil du marché internalisé par l’annonceur et bien entendu connecté avec sa DMP.
D’après toi quel est le coût global pour un projet DMP incluant sa mise en place, le lancement et la montée en puissance pour un annonceur ?
Pour être réaliste et sans vouloir faire dans la surenchère, si vous intégrez l’ensemble des phases d’un projet DMP (appel d’offre, intégration & Set-Up, déploiement opérationnel, suivi de la performance des 1ers use-cases implémentés et développement de nouveaux use-cases…) et bien entendu la technologie, il faut compter 200K€ à 300K€ en première année.
Et ce budget peut être plus élevé pour des retailers vendant des milliers de produits et ayant déployés différents services comme des programmes de fidélité, de facilité de paiement/crédit consommation, de livraison « illimitée » etc…
En effet plus l’offre de produits et services d’un annonceur est pléthorique, plus vous aurez des Use-cases à mettre en place, à tester puis décider si vous les validez et les pérenniser ou alors si vous les stoppez pour en tester d’autres. C’est un peu un travail de chercheur d’or au début il faut donc du temps, des équipes de la méthode et de la patience ;).
Qui dit Use-cases, dit remise à plat de vos investissements et donc de votre mix-média. Un annonceur aura donc la possibilité de réaliser des économies importantes grâce à des logiques d’exclusions (Ex : Gold appétents au canal newsletters) ou sur des Use-cases qui démontrent la non-incrémentalité d’une campagne… pour réinvestir ces budgets économisés sur des leviers plus performants et au sein de Use-cases à forte valeur. La bonne nouvelle dans tous les cas : une réelle optimisation du ROI des leviers !
Quels conseils donnerais-tu aux annonceurs souhaitant se lancer dans un projet DMP ?
D’abord choisissez bien votre techno, assurez-vous que l’éditeur a déjà déployé sa DMP chez d’autres grands annonceurs.
« On-boarder » l’ensemble de vos équipes, ça va faire du monde mais c’est indispensable pour faire de ce projet un succès (synergies entre les équipes) et vous verrez que vous pourrez décupler la force de travail allouée à la DMP sans augmenter la taille de votre équipe.
Mobiliser vos équipes aura des vertus réelles comme le partage des connaissances et compétences, la culture de la mesure et du R.O.I., par exemple vos équipes acquisition qui raisonnent ROI ‘Pur » seront « CRM-isées et pourront mieux appréhender la connaissance et les comportements des clients de votre enseigne.
Et comme dans la vie il faut être bien accompagné par des sociétés de conseil ayant déjà menés ce type de projet et qui vont venir vous faire gagner du temps ; impulser le changement et éviter de nombreux écueils
Merci beaucoup Stéphane pour ton temps et à bientôt.
Raphaël Glatz
Merci pour cet article. Quelques remarques qui me viennent à sa lecture.
Le terme « d’internalisation » revient souvent aussi bien pour l’ad-serving que pour l’email. Il mériterait une précision car on peut mesurer la vraie visibilité d’une bannière sans avoir acheter un ad-server et on peut utiliser une solution d’emailing en SaaS dans le cadre d’une stratégie DMP sans que cette solution ait été internalisée.
La mesure de performance incrémentale d’une campagne est cruciale effectivement. Je me dois de partager quand même que c’est le cas chez les annonceurs depuis au-moins 4 ans de manière généralisée chez beaucoup d’annonceurs équipes de solution de Tag management « Entreprise ». C’est lié à un concept fondamental du Tag Management, le Data Layer, souvent oublié quand on pense à une solution de Tag Management. Le Data Layer a été un des points clefs apportés par cette famille de solution. Non seulement il joue un rôle clef dans la structuration d’une DMP par l’impact qu’il apporte dans la normalisation de la donnée qui alimentera la DMP mais en plus, dans le cadre de l’exemple pris par Stéphane Baron, la valeur prise par chacune des variables qui le compose jouera un rôle de trigger pour déclencher l’activation d’un tag. D’où le lien avec la mesure de performance incrémentale. Il sera donc facile de mettre en place un plan d’expérience : retargeting par la solution A vs retargeting par la solution B, retargeting par A vs B vs C, ou même retargeting A vs groupe de contrôle. Cela permettra de contrôler en temps réel des pools de cookie avec des caractéristiques d’exposition différenciée. Dès que le Data Layer contient des variables de segmentation issus de l’équipe CRM/BI du client, on obtient facilement là encore la possibilité de segmenter.
Je voulais préciser ce point même si je confirme que la mise en place d’une DMP permet d’amplifier ce type d’approche en utilisant comme trigger des variables qu’il serait compliqué de placer dans le Data Layer. Par exemple, lorsqu’on s’engage dans des approches de personnalisation avancée.
Reste à disposer de TMP travaillant vraiment en temps réel c’est dire capable de collecter, Unifier, Transformer et partager en moins de 60 ms. C’est un critère de différenciation sur le marché très important et qui mériterait peut-être d’être plus à l’honneur dans votre article.
Enfin, quand même une frustration, l’absence d’exemples de Use cases dans un article qui dit que les uses cases sont essentiels :-), cela m’a un peu frustré 🙂 Peut-être une opportunité de faire une version 2 avec plus d’exemples pour poursuivre l’effort de pédagogie et d’évangélisation débuté dans votre article.
Excellente journée !
Michael Froment